À lire : Moi les hommes, je les déteste de Pauline Harmange

Récemment, une amie m’a prêté l’essai Moi les hommes, je les déteste de Pauline Harmange. Pour replacer rapidement le contexte, cet essai, publié en 2020, a déchaîné les passions. Pour cause, un membre du ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes a tenté de faire pression sur les éditeurs afin que le livre soit retiré de la vente. Merci les cons puisque, finalement, cet épisode a permis à Moi les hommes, je les déteste de connaître un grand succès et d’être ré-édité puis traduit à l’étranger. Rien qu’au titre, je savais déjà que cet essai me plairait, ce qui fut le cas. C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui quelques réflexions qui me sont venues à l’esprit, pendant et après ma lecture. 

 

Tu apprendras à te sentir inférieure, ma soeur 

Dans une partie de Moi les hommes, je les déteste, Pauline Harmange évoque le manque de confiance que les femmes ont en elles, comparativement aux hommes. Sans que cela soit particulièrement surprenant, il me semble que ce manque de confiance commence avec l’éducation : les petites filles doivent être calmes, sages, douces, et sont rappelées à l’ordre si elles se montrent trop spontanées, trop vives, trop visibles en somme. Dès l’enfance, on leur apprend à se mettre en retrait face aux garçons, qui eux prennent d’ores et déjà l’habitude d’occuper le devant de la scène. Il n’y a qu’à regarder la dynamique qui se forme à la récréation dans les cours d’école : les garçons au centre à jouer au foot, et les filles autour.

 


Celles-ci sont condamnées à regarder les garçons s’agiter, s’égosiller, pendant qu’elles essayent de ne pas attirer l’attention, de ne pas parler trop fort. Comment nous étonner alors qu’en grandissant, les rôles attribués à chacun restent inchangés ?

À la lecture de l’essai, je me suis remémorée une phrase qui me revient souvent en tête depuis mon enfance. Cette phrase toute simple, toute bête pourrait-on dire, est pourtant, selon moi, terriblement juste. D’où vient-elle ? Eh bien tout simplement d’un poster à l’effigie de Shakira que j’avais punaisé sur un mur de ma chambre. Sur le poster, une citation extraite d’une interview de la chanteuse était inscrite : 

« Si les hommes n’existaient pas, les femmes feraient beaucoup moins attention à elles. »

Déjà à l’époque, ce constat m’avait semblé aller de soi et -j’avais environ 8 ans- je pouvais le corroborer avec ma jeune expérience : à l’école, les filles les plus appréciées de l’ensemble des enfants étaient celles qui plaisaient le plus aux garçons. Depuis, cette phrase n’a cessé de me paraître de plus en plus évidente. Comment plaire à un homme ? Être séduisante, rire à ses blagues, ne pas le contredire, ne pas l’offenser, être gentille… faire attention à soi donc, à son physique comme à son attitude, se soucier de l’image que l’on donne de nous. Un peu plus tard, lorsque j’étais au collège, je me souviens également, en repensant à cette phrase, m’être dit que si les hommes n’existaient pas, les femmes seraient bien plus sympas les unes avec les autres.

 

Tu ne seras jamais assez bien, ma soeur 

Le manque de confiance des femmes, qui prend souvent racine dans l’enfance, est ensuite entériné à l’âge adulte. Dans son essai, Pauline Harmange déplore le fait que les femmes doivent fournir beaucoup plus d’efforts que leurs homologues masculins pour être validées. Ce double standard fait croire aux femmes qu’elles ne sont jamais assez bien, là où les hommes se posent rarement la question pour eux-mêmes. En tant que femme, la remise en question fait partie intégrante de moi-même, ce qui me place en permanence dans une démarche d’amélioration : il faudrait que je sois plus sportive, moins impulsive, plus ouverte, que je me libère de mes traumas -provoqués majoritairement, oh surprise, par des hommes- et, comble de l’ironie, que j’arrive à avoir confiance en moi… Cette position psychique est, d’une part, aliénante car elle nous empêche de nous concentrer sur des choses plus importantes que cette course vaine à la perfection, mais elle est aussi tellement éreintante !

Quand je réalise que, pendant que je passe un temps fou et dépense une énergie considérable à tenter de m’améliorer, mon mec n’est probablement même pas conscient de ses propres dysfonctionnements et/ou s’en satisfait très bien, il m’arrive de ressentir de la colère. Lorsque, malgré ses hochements de tête quand je parle de la cause des femmes, je vois qu’il continue de profiter de ses privilèges, je ressens de la colère. Parce qu’au fond je sais que nous sommes traités tellement différemment qu’il ne comprendra jamais vraiment ce que je vis. 

 

Tu auras de la chance qu’un homme correct t’aime, ma soeur

« Il n’y a pas grand chose de plus fatigant que de voir un homme récolter des lauriers disproportionnés en retour de ses minuscules efforts, tandis que les femmes sont encore soumises à d’impossibles standards qui les rendent toujours perdantes. »

Cette citation extraite de Moi les hommes, je les déteste me rappelle une conversation avec mon amie (celle qui m’a prêté le livre <3). Je parlais de ma relation actuelle, expliquant que, contrairement à son prédécesseur, mon copain ne me rabaissait pas et n’entrait pas dans des colères noires et imprévisibles le rendant odieux. J’ai également glissé dans la discussion qu’il était très actif dans les tâches ménagères, une aubaine pour moi qui suis plutôt du genre flemmarde.

« Ah ! mais il est parfait cet homme là ! » 


Evidemment, la réponse était spontanée et l’idée principale derrière était probablement que cet homme est mieux que le précédent, mais l’utilisation de l’adjectif parfait n’est pas anodine pour autant. Est-ce là tout ce que les femmes sont en droit d’attendre des hommes ? Dois-je m’estimer particulièrement chanceuse ? Ses hauts faits le rendent-ils exempt d’efforts supplémentaires à vie ? S’il me fait souffrir, dois-je me taire sous prétexte que, quand même, il est déjà pas trop mal ? 

 

Reste proche des tiennes, ma soeur

Dans le monde dans lequel nous vivons et lorsque l’on est une femme, il semble alors normal et même assez sain de détester les hommes. Les détester pour tout ce qu’ils n’auront jamais à vivre, les détester pour ce qu’ils nous font, les détester pour ce qu’ils sont. La formule peut choquer, mais je suis d’avis que le fait de prendre leur défense avec une abnégation proche de la bêtise est plutôt ce qui devrait interpeller les esprits. Il est normal de ressentir de la frustration, de la déception et même de la haine lorsque nous vivons près des hommes. C’est pourquoi Pauline Harmange propose, et l’idée est tellement séduisante, de se construire -ou se reconstruire, pour beaucoup d’entre nous- loin des hommes, entre femmes.

Trouver l’écoute, la bienveillance et l’inspiration auprès de nos soeurs, dans un espace où les hommes n’existeraient pas. Puisque qu’ils ne sont pas prêts à nous faire réellement de la place, prenons nous-mêmes cette place, loin des hommes, nous qui n’avons ni besoin d’eux, ni de leur bénédiction. 

Moi les hommes, je les déteste est un essai que je conseille chaudement. Il n’est pas du tout élitiste dans son écriture, ce qui le rend abordable par les féministes débutantes tout comme les plus aguerries. On y trouve des réflexions très intéressantes sur la misandrie, la médiocrité masculine ou encore sur l’injonction à l’hétérosexualité. Le ton est léger, souvent drôle, et le texte est ponctué d’anecdotes personnelles. Il fait partie de ces ouvrages qui déculpabilisent, qui libèrent et qui donnent une furieuse envie de se mettre au vert avec ses meufs sûres. Un bouquin qui inspire quoi. Alors Pauline, merci pour ça ! 

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Cet article a 4 commentaires

  1. Lou.P

    Aïe aïe aïe… Il est particulièrement édifiant cet article. J’ai pas ri tant que ça cette fois-ci 😉 Merci encore <3 J'espère que ça va participer au rayonnement de ce bouquin extra et, comme tu l'as bien dit, très accessible !

  2. Prissou

    J’aime beaucoup cette rubrique !
    Et 8 euros sur liseuse… Franchement, ça mange pas de pain 😉